Délais de paiement: Les grandes structures tuent les TPME

C'est sans doute la plus grosse étude jamais réalisée sur les délais de paiement. L'enquête de Bank Al-Maghrib porte sur un échantillon de 72.000 entreprises. La dette commerciale de l'échantillon se chiffrait à 356 milliards de DH à fin 2016. Cette investigation révèle un certain mépris de grandes entreprises vis-à-vis des fournisseurs même si les pratiques varient d'un établissement à l'autre. Les grands comptes sont payés en moyenne à 82 jours alors qu'en retour, ils règlent leurs fournisseurs en 113 jours. Ils gagnent donc 32 jours de trésorerie. Le décalage est bénéfique de 3 jours pour la PME alors qu'il asphyxie la TPE puisqu'il crée un déséquilibre de 39 jours.
Le gouvernement est régulièrement interpellé sur le poids de la dette du Trésor et sa soutenabilité: de 46% du PIB en 2009 à 64,5% en 2017. Si le contexte social et le ralentissement de la croissance ont contribué à l'envolée de la dette de l'Etat, ce contexte n'épargne pas les entreprises. Le poids de la dette et le retournement de conjoncture ont bien failli emporter de grands promoteurs immobiliers. Les difficultés s'exacerbent pour les entreprises opérant dans la construction métallique, sans compter les nombreux cas de défaillance dans le BTP et le Commerce. A fin 2017, la dette financière des entreprises (privées et publiques) a culminé à 746 milliards de DH. Elle est composée pour 2/3 d'emprunts bancaires. Le ralentissement de l'activité alourdit la dette et la rend plus difficile à rembourser. Résultat, les créances en souffrance dans les bilans des banques ont significativement augmenté ces dernières années avant de ralentir en 2017 à 48,5 milliards de DH. Le taux d'impayé reste au-dessus de 10% avec des écarts notables selon les secteurs. La sinistralité est plus forte dans le Tourisme avec un taux de défaut de 22%. Il s'établit à 16% dans l'industrie manufacturière et 13% dans le Commerce.
Pour les banques comme pour les investisseurs institutionnels, l'histoire avec le secteur touristique n'a pas toujours été belle, en particulier ces dernières années avec entre autres les déboires de certains fonds touristiques. Les banques y ont réduit leur exposition, l'encours des crédits aux investisseurs dans l'hôtellerie et la restauration ayant baissé de 26% en cinq ans. Cependant, le taux d'endettement à long terme dans cette branche a enregistré une hausse brutale de 27 points en un an à 66% en 2016, selon l'étude de BAM.

La contraction du financement bancaire a obligé les opérateurs à puiser dans les fonds propres pour se financer, ce qui expliquerait en partie la hausse du taux d'endettement. L'assainissement des bilans des grands opérateurs dans l'Immobilier a permis de réduire le taux d'endettement sectoriel entre 2013 et 2015. Il est reparti à la hausse en 2016. L'indicateur a baissé de 11 points sur un an dans le BTP pour revenir à 43%. Le seuil d'alerte varie en fonction des secteurs. Si un endettement élevé peut constituer un facteur de risque pour l'entreprise, un ratio faible n'est pas toujours bon pour la dynamique économique. Cela signifie que les entreprises ne sont pas portées sur l'investissement. Celui-ci est principalement soutenu par les grands projets. Les PME et les TPE n'arrivent pas à se projeter sur le long terme puisque beaucoup d'entre elles sont d'abord préoccupées par leur survie. La conjoncture nuit à la relation banque/entreprise par le canal des créances en souffrance, mais aussi aux rapports interentreprises en raison de l'allongement des délais de paiement. Les dettes commerciales ont atteint 387 milliards de DH en 2016 selon Inforisk et la tendance est à la hausse. Combinées à la dette financière, l'endettement global des entreprises avoisine 1.150 milliards de DH contre un PIB à 1.076 milliards de DH.